dimanche 16 mars 2008

Le "groupe muco" Y'en a marre ! J. Heuchel

le 16.03.90

La mucoviscidose est une maladie qui ne laisse aucun répit. Les soins sont quotidiens et indispensables si l'on veux tenir le mieux et le plus longtemps possible. Ici, pratiquement tout le monde a compris çà. Il y a trop d'anciens copains qui sont morts pour que l'on puisse se voiler la face. Et encore je ne viens ici que depuis un an. j'imagine le nombre de décès depuis 7 ans que viens Jean-Jacques...
Jean-Jacques qui justement est reparti chez lui ce matin. il en avais marre. Marre d'attendre ce greffon qui peut le sauver, marre d'être loin de ses copains d'Alsace, marre des perfusions, marre des conneries que l'on raconte le soir, marre des discutions qui tournent toujours autour des mêmes sujets, marre d'avoir raté sa chance quand il a été en extrême urgence, marre de dormir dans un lit d'hôpital, marre d'avoir sans cesse l'image de la maladie devant les yeux, quoi que tu fasses et où que tu ailles.
Il en a eu marre, et moi aussi je ne pense qu'à partir. Mais le problème c'est mon pneumothorax. S'il se redécolle loin d'un hôpital je risque d'y laisser ma peau. L'interne m'a dit qu'un pneumothorax suffocant (ce qui est rare qu'en même) peut tuer un mec normal en quelques minutes, alors moi !
Enfin, on verra bien. de toute façon si cela m'arrive alors que je suis en permission à Hyères, je serai aussi loin de l'hosto que de chez moi. Pour l'instant je vais essayer de sortir de l'ornière où je suis tombé sans me rendre compte.
Lorsqu'on arrive ici on est d'abord content de retrouver les copains hospitalisés. On se sent tous proches, liés les uns aux autres, et l'entraide fonctionne parfaitement si l'un de nous a un problème. Mais, à la longue, au bout de deux mois, la promiscuité finit par peser. Il est bon parfois de pouvoir s'isoler et de sortir du "groupe muco". d'autant que certains revenant toujours sur un éventail de conversations restreint (à savoir la greffe, la drogue et les soirées arrosées) finissent par dire toujours les mêmes conneries. Au départ on rigole, mais après cela lasse. Ou alors, et c'est pire, on entre dans le jeu et, le phénomène de masse aidant, on finit par s'abrutir et dégénérer.
Jean-Jacques est parti à temps. Avant d'être trop profondément pris dans l'engrenage. Avant que ce trinôme de conversations vous incite à vous laisser aller à la facilité : la rigolade et la bêtise qui sont les plus sûrs moyens d'oublier la maladie dans un milieu hospitalier. En déconnant ils ne pensent plus aussi sérieusement à leur état et ainsi ils se forgent un rempart de stupidité pour se protéger de l'issue. Mais au-delà d'un certain stade, c'est la bêtise pour la bêtise et là le rempart devient une prison pour l'esprit qui s'enlise dans un comportement enfantin, immature.
Là-haut, en Alsace, Jean-Jacques va pouvoir se ressourcer, remettre les choses au point et j'espère qu'il reviendra moralement plus fort que jamais pour affronter la dernière ligne droite avant la greffe.

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