mardi 13 mai 2008

Scellée muco J. Heuchel

le 13.05.90

Cela fait onze jours que je n'ai pas écrit. Rien à raconter. Le temps passe. Je lis. Je regarde la TV. Je mange. Je vais voir mes amis, ou ce sont eux qui viennent. Je joue. Je dors. Je vis. Rien à raconter.
Jusqu'à ce soir. Oh, rien d'extraordinaire n'est arrivé. J'ai continué à me détendre comme depuis que je suis chez moi. Mais, hier, Juliette est venue à la maison. Elle est venue déjeuner avec sa mère (son père travail à Avignon et n'a pas pu venir). juliette est havraise mais va déménager cet été. C'est dommage.
En fait, je ne l'ai pas réalisé sur le coup,mais Juliette est la seule muco qui soit jamais venue à la maison. Avant de descendre à Giens je ne connaissais aucun autre malade. Bien sûr, j'avais déjà croisé des mucos dans les hôpitaux, mais c'était tout. Jamais je n'avais longuement parlé avec eux. jamais avant Giens. Et surtout je n'avais jamais invité un muco à la maison. ça peut paraître idiot mais ça a de l'importance pour moi. Il y a dans les relations entre mucos quelque chose de spécial que je ne saurai expliquer. Une complicité bien sûr, mais plus encore. Le sentiment de faire partie d'un groupe, d'une communauté. Cette dernière vaut ce qu'elle vaut mais elle est unique.
Je ne connais pas les autres malades jeunes. Ni les cancéreux, ni les accidentés, ni les hémophiles, ni même les myopathes redus célèbres par le "Téléthon",mais je pense qu'aucun groupe de malades n'a l'attitude d'un groupe muco.
Il y a entre nous un sentiment très fort, bien que toujours caché, de fatalité. Il y a aussi une résignation et une révolte à nulles autres pareilles. Le groupe est inimitable. Et, en recevant Juliette à la maison, j'ai scellé mon entrée dans le groupe. Maintenant je suis avec eux tous; et ce, quoi qu'il advienne.

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