jeudi 3 avril 2008

Extrême urgence J. Heuchel

le 03.04.90

Ce matin je suis allé voir le docteur Chazalette dans son bureau. Je suis passé en liste d'extrême urgence, comme Jean-Jacques, il y a moins d'un mois. Maintenant, je suis tout prêt du but. Je peux rater ma chance mais je n'ai jamais approché la greffe d'aussi près. cette fois il est trop tard pour faire machine arrière. je suis en super urgence jusqu'à vendredi. Ce week-end le professeur Noirclerc est absent, je serai retiré des listes. Lundi, après le staff, on verra comment la situation évolue...
J'ai à la fois hâte et peur, envie et en même temps pas envie. D'une heure à l'autre, je change d'optique. L'oscillation n'a jamais été aussi forte. Ce soir je suis fatigué (peut-être les nerfs ?). Je n'ai pas assez dormi ces dernières nuits en voulant rédiger ce journal. Aujourd'hui j'ai tourné en rond dans le Coty, me mêlant par hasard aux conversations mais l'esprit toujours occupé par ce mot : GREFFE. J'ai un peu la même sensation que lorsqu'un ami meurt. J'y pense mais je n'en parle pas de moi-même. Je ne refuse pas d'aborder le sujet, mais je ne lance pas la conversation dessus. Je me sent chaud. J'ai peut-être un peu de fièvre. Est-ce l'excitation ou la pluie inhabituelle ici et incessante depuis hier après-midi ? Je crois. Avec la dose d'antibiotique que j'ai, le microbe (si j'en ai chopé un) va vite crever. pour l'instant je vais me coucher comme ça et si mon sommeil est mauvais je demanderai un Doliprane. Cette fois ça y est, je suis au pied du mur. je peux partir à chaque seconde. Je n'aurai peut-être pas le temps de finir ma phrase. Ah, tiens, si ! La greffe attend encore.
Pour me changer les idées mes parents vont descendre avec mes cousines pendant une semaine. Je pense que si durant cette semaine à venir je suis éjecté de la liste d'extrême urgence je rentrerai 10 à 15 jours chez moi. J'y ai temps de choses à faire.
Ma plus grosse crainte est, après déjà trois mois d'hosto, de craquer en réanimation (surtout si je ne peux pas parler !). Enfin je pourrai toujours écrire et essayer de continuer ceci. J'espère en avoir la volonté. On dit que le souvenir est affecté et que l'on oublie les premiers jours de réa. Dans quelques années ceci sera donc la seule trace qui restera de ces journées post-opératoires. Et le souvenir est tout ce qui reste.

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