vendredi 28 novembre 2008

André J. Heuchel

le 28.11.90 - mercredi, 15 h 30

Je suis à Giens, dans la même chambre que la dernière fois. Nous sommes peu nombreux. Christine est partie ce matin (pas bien grave), ainsi que Sonia (c'est plus regrettable). J'ai fait la connaissance d'André. Encore un personnage particulier ! Il est âgé au moins de 26 ans (et sans doute plus). Il a sa propre maison, sa femme, et travaille comme photographe à plein temps. C'est une des premières fois qu'il a des perfusions. Il est en forme. Il fait partie de ces mucos sur qui la maladie semble ne pas avoir prise (ni physique, ni mentale). Mais son état de santé n'est pas un obstacle. Il n'est pas comme certains, qui ont peur de ceux qui sont vraiment atteints, et semble nous comprendre, tout en gardant son autonomie.
Christophe est rentré ce matin. Il n'a plus de malaises, n'est pas particulièrement encombré, mais il a perdu le feu sacré. Lui qui rit toujours, qui est le premier à faire le guignol, semble passif. Il ne parle pas trop et tous ses gestes sont pleins de lassitude. Ses dernières crises doivent avoir réveillé en lui des souvenirs désagréables. Il voit, à travers la mort de ses anciens amis, la sienne. S'il ne reprend pas le dessus, il va finir par ne plus avoir aucun tonus, et là, le pire est à craindre.
Mais je pense qu'il va y arriver. si on le stimule, si on lui redonne le goût à la vie, si on le sort de sa torpeur, ce sera bon pour lui. A mon avis, les médecins n'y peuvent rien (sauf la psychologue peut-être) ni les antibiotiques.
Ici, il fait mauvais. Une légère pluie tombe. je regrette la pluie normande. Moi aussi je suis gagné par la grisaille du temps. La Côte d'Azur sous la pluie, c'est vraiment lugubre. Je vais essayer de lire un bon bouquin pour me distraire. Avant d'être rongé à mort par les souvenirs pénibles que font ressurgir ces couloirs lorsqu'ils ne sont pas animés et emplis de bruits.

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