jeudi 2 octobre 2008

Le cap de la greffe J. Heuchel

le 02.10.90 - mardi, 15 h 35

La mort a de nouveau frappé le clan des mucos du Coty. Pas de décès depuis juillet... Trois mucos en difficulté : Jean-Jacques, Gyuy et René-Dominique... Ça ne pouvait pas bien finir. C'est Guy qui est allé voir ce qui se passe au-delà de la mort. Il est décédé avant-hier. D'après Jean-Jacques, il a été regreffé samedi, mais l'opération a raté. Il est mort le lendemain. Guy n'aura vraiment pas eu de chance. Après avoir passé trois mois en milieu hospitalier en post-greffe, il allait bien. Mais ça n'a pas duré. Pendant sa dernière année, je crois qu'il n'a passé que deux mois chez lui. Décidément, le premier anniversaire de la greffe est un cap dur à passer. Comme Christophe, il est mort presque un an, jour pour jour, après sa première greffe. En tout cas, c'est tout à l'honneur de Noirclerc de l'avoir regreffé. Il lui a donné une dernière chance, m'a dit Jean-Jacques.
Théoriquement, on ne greffe pas, ou rarement, partant du principe qu'il vaut mieux donner le greffon à un malade en attente que de prendre le risque de le "gâcher" avec un type déjà greffé qui a déjà fait des complications. D'une certaine façon, Guy a eu de la chance. Lui qui était d'un groupe sanguin rarissime a eu trois greffons en un an. Quelle ironie du sort tout de même !
Pendant un temps, certains mucos en ont voulu à Guy d'avoir été greffé en 89. John, un muco qui venait depuis toujours à Giens, était décédé, en attente de greffe, en septembre, faute de greffon. il était d'un groupe sanguin courant. Guy, lui, avait été greffé après moins de deux semaines d'attente... Ce qui lui avait valu d'être un peu considéré, pendant quelques temps, comme un "voleur de greffon", même s'il n'y était pour rien. Et voilà qu'il est mort lui aussi. Il avait, certes, des défauts (opportuniste, avec une tendance à ce croire partout en territoire conquis, très fier de ses origines parisiennes, et parfois un peu casse-pieds), mais c'était un mec qui valait le coup. Sympathique, agréable à vivre, serviable, jovial et plein d'une énergie, d'un enthousiasme formidables. Pour la première fois, la mort de l'un d'entre nous me fait de la peine. Non pas parce qu'elle me rapproche de ma propre mort. Enfin, pas uniquement. C'est la personne même que je regrette, qui me manquera. Pour la première fois, je perd ce que j'appellerai un ami. Bien sûr, ce n'était pas mon meilleur copain, mais nous avions réellement sympathisé. Je me rappelle l'avoir accueilli, en avril 89, au Coty. Je n'y était moi-même que depuis quinze jours, et je lui ai expliqué le fonctionnement de l'hôpital (les perfs, la kiné, les perms). On a parlé de choses et d'autres. A un moment, en feuilletant le programme télé, il a parlé de la guerre des étoiles, le film auquel j'ai voué un véritable culte pendant deux ou trois ans. On a échangé nos idées sur le cinéma de SF, puis, nous nous sommes découvert un point commun : le jeu de rôles. Il avait cessé de jouer à cause de son DEUG qui lui prenait trop de temps, mais nous avons parlé longuement ce soir là...
C'est Jean-Jacques qui m'a appris la nouvelle hier au téléphone. Lui va mieux. Ses problèmes neurologiques et rénaux sont finis. Il doit encore faire des perfs pour lutter contre le CMV qu'il a attrapé mais cela ne devrait pas avoir de conséquences fâcheuses. Il semble avoir bon moral, un moral étonnant après ce qu'il a vécu. Décidément, Stéphane a raison : c'est un tank cet Alsacien. Devant lui, on ne peut-être qu'admiratif.
Quant à moi, je repars demain à Giens. J'ai eu, hier au soir, une sorte de crise d'essoufflement inquiétante. Je suis essoufflé. Il est temps de faire des perfs. J'espérais tenir jusqu'au 8, pour pouvoir faire une partie de jeu de rôles avec mes cousines et Eric, mon cousin (mais du côté paternel), et partir le lundi suivant. C'est raté. Mais j'ai quand même réussi à tenir un mois complet sans perfs. Mieux qu'en août (vingt jours) ou entre les cures de juin et juillet (vingt-cinq jours). ce n'est pas si mal. L'origine de ma crise d'hier soir est sans doute, en partie, psychosomatique. Lorsque l'on respire mal, il en faut peu pour vous stresser. Et plus on est stressé, plus l'on s'essouffle et plus l'on a peur... C'est un cercle vicieux. cependant mon encombrement est réel. Je repars donc avant qu'il ne soit trop tard. Là-bas, je retrouverai Stéphane (qui fini une cure),ainsi que Laetitia, Martine et François. Il y a également Benoist Fumey que j'avais apprécié en février-mars. Frédéric, aussi, devrait revenir vers la mi-octobre. Ce séjour ne devrait donc pas être trop ennuyeux.
Si je n'ai pas de pneumo, comme je le crains...

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