lundi 6 octobre 2008

LA douleur J. Heuchel

le 06.10.90 - samedi, 20 h 40

La psychose du pneumothorax a frappé très fort. L'autre soir, peu après avoir écrit et répondu aux lettres de quelques amies, j'ai ressenti LA douleur. Ce flash intense, mais bref, de douleur, ce coup de couteau caractéristique d'un pneumo. Ai-je réellement été essoufflé ce soir-là? Je ne le sais pas. Dans ces cas-là, le subconscient dicte sa loi sur un esprit tragiquement faible. Oui, je crois avoir été essoufflé. En tout cas, je suis sûr d'avoir pris de l'oxygène toute la soirée (sauf au moment du repas). Peur panique. Vision déprimante et angoissante de moi, seul dans une chambre du Val-d'Or (l'hôpital ou a été soigné mon premier pneumo, en juin 88) : le début de la fin.
Mais, fort heureusement, il y a peut-être un dieu pour les petits mucos. Toujours est-il que, le lendemain, après avoir passé une radio à Rouen, j'ai appris que je n'avais pas de pneumo, mais peut-être une pleurésie qui ne m'interdisait pas le voyage en avion jusqu'à Giens.
A mon arrivée, l'interne a été encore plus rassurant. c'est une simple rétraction pulmonaire qui, à cause de la surinfection, a tiré et contracté anormalement le diaphragme. Enfin, si j'ai bien compris.
Pas de pneumo donc et un soulagement énorme.
Depuis, je suis à Giens. Je partage une chambre avec Stéphane et Frédérique (comme en mai-juin). Tant mieux, même si Stéphane part mardi. D'ailleurs, je le trouve parfois étrangement froid et distant. Je crois qu'il "ressasse" la mort de Guy et en veux aux médecins de "l'avoir utilisé comme cobaye". C'est pourtant un problème inextricable. Tellement dingue que je préfère ne pas trop y penser. Ils n'ont (re)greffé à Guy qu'un poumon sur deux. Pour essayer... Quand on se rappel Guy, ça paraît immonde d'essayer, comme ça, pour voir... Mais ils ont au moins essayé... Le problème c'est qu'une fois signée la décharge qui dégage leur responsabilité, ils sont libres de faire n'importe quoi. Même de vous couper la langue pour voir si, par hasard, elle ne gênerait pas votre respiration... J'exagère, bien sûr, mais quand on est concerné on exagère toujours? Pourtant, il faut bien, un jour, tenter quelque chose sur un homme, quitte à ce qu'il en crève, pour en sauver d'autres. C'est un peu comme le premier type qui a accepté de recevoir le premier coeur artificiel. Sauf que, lui, avait été prévenu !
Quoi qu'il en soit, les morts ne ressuscitent pas et il y a toujours des vivants.
Jean-Jacques, par exemple, que Martine, Laetitia, Stéphane et moi sommes allés voir, cet après-midi, à Salvator.
En arrivant, j'ai eu comme un malaise, une espèce de peur irraisonnée de rencontrer Noirclerc et qu'il m'oblige à rester. Le type de sensation que ressent un enfant qui va à l'hôpital pour la première fois : Marseille m'impressionne. Mais, à la vue du visage malicieux de Jean-Jacques, tout a été oublié. J'ai passé trois heures avec mes meilleurs amis mucos. Ça a été très agréable. Jean-Jacques fait plaisir à voir. Ah, quel cran ! Pas une plainte, pas de discours sur ses malheurs des derniers mois. Rien. Jean-Jacques sait recevoir. Il repartira, théoriquement, dans une dizaine de jours chez lui. Je croise les doigts.

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