samedi 5 juillet 2008

Voyage au "Cotylédon" J. Heuchel

Le 05.07.90

La vie est un éternel recommencement. Je repars à Giens mardi prochain, le 10 Juillet. Mais, cette fois, mon optique est différente. J'y vais pour me soigner (perfusions nous voilà !) mais aussi pour passer quelques semaines sur la côte en été. Et puis ce sera l'occasion de revoir les autres. L'été, le Coty est plein; ils installent même des lits supplémentaires dans les chambres. Je descend par avion avec Juliette. Nous irons la chercher à la gare de Rouen, puis nous l'emmènerons à Orly où elle et moi prendrons l'avion pour Hyères. C'est plus sympa de partir à deux, et partir avec Juliette ça ne gâche rien ! Elle esttrès sympathique, ouverte et intelligente. Et puis elle a longtemps habité en Seine-Maririme, c'est une compatriote. Pourtant, elle déménage à Avignon pour rejoindre son père qui y travaille. C'est vraiment dommage. Pour une fois que quelqu'un de Giens habitait près (à une heure de route tout de même) de chez moi.
Il y a bien Vincent, le muco du pays de Bray qui est juriste, mais j'ai moins d'atomes crochus avec lui qu'avec ceux de Giens.
J'espère aussi voir Jean-Jacques à Giens. Logiquement, et d'après les dernières nouvelles que j'ai eues de lui par téléphone, il est sorti de la réa de la Timone lundi, pour l'unité post-greffe de Salvator où il devrait rester dix à quinze jours. Je pense être à Giens pour son retour. J'ai hâte de le revoir. Et un peu peur aussi.
Peur, comme je l'ai déjà dit, que la greffe forme entre nous une barrière. Mais, peur aussi, soyons honnête, de le voir affaibli, fatigué ou plus mal qu'il n'était le jour de son départ.
Stéphane m'avait dit que je m'étais projeté à la place de Jean-Jacques au moment de son départ. Qu'à travers lui, c'est moi que je voyais partir. C'est sans doute vrai. Jean-Jacques a tracé la route pour moi. Et si la greffe ne l'a pas amélioré de façon significative, j'aurai, certainement, une réticence à me faire opérer. Comme, lorsque Guy était mal, j'avais peur pour moi et mon avenir. D'ailleurs, Jean-Jacques aussi avait été "refroidi" par l'exemple de Guy.
Une fois encore l'oscillation risque de changer de sens. Quoique, bien que je désir toujours la greffe, je ne fonce plus tête baissée vers elle. J'aimerai pouvoir encore attendre. En tout cas, ce désir obsessionnel de la greffe a disparu, laissant place à une volonté ferme mais plus réfléchie.
La thérapie des jeux de rôles a été efficace. Toute cette semaine j'ai fait jouer Law et Aude à nouveaux héros, le jeu de rôles d'une nouvelle race de héros, que j'ai écrit moi-même. Je me suis beaucoup investi dans deux scenarii qui m'ont pris 90 % de mon temps libre, et j'en ai oublié la mucoviscidose durant de longues heures.
En fait, mon attirance pour les jeux de rôles suit le cycle de mes voyages : à Giens, je m'en désintéresse presque totalement. Une fois de retour ici, ces jeux m'ennuient, et je ne pense qu'aux copains mucos. Puis, peu à peu, l'atmosphère de la maison (où se trouve toutes mes affaires de jeu et où j'ai joué mes meilleures parties) m'envahit et je reprends goût à ce loisir. Mais à peine ai-je le temps de rentrer et de recommencer à m'amuser vraiment que je repars...
Enfin, à Giens, j'ai d'autres centres d'intérêt, sans doute plus adultes. Je vais aussi me préoccuper de savoir ce que devient le numéro quatre du "Cotylédon" qui doit bientôt sortir.
Finalement, je vis une double vie. Chez moi, je suis Johann, l'enfant surprotégé qui joue encore à 19 ans et, là-bas, je suis Johann, le muco-futur-greffé, un certain "docteur vieux rat", mucoviscidosique d'une vingtaine d'années, amateur de BD, de SF, de musique, journaliste, philosophe, photographe, génie à ses heures perdues, mais aussi et surtout, l'ami et ennemi intime, selon le scénario d'un certain Estevan Nadamas, comme me l'a écrit Stéphane.

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